18 juin 2007

Nigger Black!

Depuis que l'expression "Politically Correct" a été popularisée dans les années 90, on s'est mis à l'utiliser à toutes les sauces et, plus souvent qu'autrement, en donnant de la vertu à des comportements que l'on pourrait qualifier de complètement irresponsables, sous le prétexte que l'on "ose" faire affront à la supposée sacro-sainte rectitude politique.

Disons le une fois pour toutes: Il n'y a rien de particulièrement exceptionnel à être "politiquement incorrect" de nos jours. Le principe de la rectitude politique est à la base noble s'il n'est pas utilisé de façon hypocrite, comme c'est malheureusement souvent le cas. Cela ne veut pas dire pour autant que quelqu'un qui décide de "dire les vraies affaires" avec un flot d'opinions racistes et intolérantes est mieux que quelqu'un qui fait simplement semblant d'être respectueux. La fameuse phrase passe-partout pour défendre les déclarations controversées "dire tout haut ce que les autres pensent tout bas" ne justifie absolument rien, selon mon humble avis. Si les gens disent ces choses tout bas, c'est bien souvent pour une raison bien simple: parce que ces opinions ne se tiennent tout simplement pas! Et non pas, comme certains le prétendent, à cause d'une supposée conspiration judéo-fémini-homo-ethnique qui rend les minorités intouchables.

Il est vrai que dans la société actuelle, il arrive à l'occasion que certaines personnes soient épargnées parce que l'on a peur de passer pour sexiste ou raciste. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'on en arrive à considérer qu'un tel état des choses soit considéré comme malsain. La situation inverse, qui est encore malheureusement très présente dans notre monde, est cent fois pire! Il y a encore trop de noirs, de juifs, de femmes et d'homosexuels qui sont brimés pour ce qu'ils sont. Qu'une poignée d'entre eux accèdent à certains privilèges qu'ils ne mériteraient pas autrement pour exactement les mêmes raisons n'est certainement pas à encourager, mais témoigne quand même d'une nette amélioration dans l'évolution des perceptions.

C'est ce qui était le plus ridicule dans le récent débat des accommodements raisonnables. Au lieu de nous féliciter d'être une société assez ouverte pour que l'on ait à se questionner sur l'intégration de nos minorités, nous nous sommes en quelque sorte mis à regretter l'époque où nos rapports avec l'étranger étaient moins harmonieux. N'importe quoi!

À ce sujet, une chose qui m'énerve royalement est que pour appuyer cette campagne de dénigrement envers la rectitude politique, on utilise souvent comme exemple le fameux monologue Nigger Black d'Yvon Deschamps en exemple, disant qu'il n'aurait pas pu sortir en 2007, ce qui aurait tendance à prouver que nous avons régressé depuis cette époque.

J'aurais tendance à dire exactement le contraire. La raison pour laquelle Nigger Black n'est plus pertinent aujourd'hui est parce que la réalité qui y est décrite n'est plus la nôtre, en partie justement grâce à l'oeuvre de Deschamps. En 1969, le personnage joué par Yvon Deschamps pouvait dire les énormités présentes dans ce monologue, car elles étaient non seulement acceptées, mais étaient presque la norme. En les caricaturant dans ce numéro, il dénonçait par le ridicule la fermeture d'esprit de ses congénères. Qu'aujourd'hui on ne se reconnaisse plus dans ce personnage est donc selon moi un brillant témoignage de notre progression en tant que société. Bien sûr, Le racisme existe encore, mais de façon plus pernicieuse. Mais une bonne partie du chemin a été parcourue. Et il faut en être fier et ne jamais oublier d'où l'on vient si l'on veut continuer à aller vers l'avant.

7 commentaires:

John a dit...

très bon texte!

dès que j'adopte un lecteur de blog sous ubuntu, tu seras dans mes réguliers!

Yannick_Belzil a dit...

Stie que t'es politically incorrect dood.

(mais c'tait très bon)

Unknown a dit...

Vous êtes cools, car vous savez reconnaître le génie de mes prises de position.

Czar a dit...

Très juste. J'appuie.

Je trouve que trop souvent les dénigreurs du political correctness cachent mal leurs préjugés. Vaut mieux errer en faveur de la PC qu'en faveur de l'intolérance.

Ceci dit la PC extrême et systématique finit aussi par me taper sur les nerfs mais moins que les relents de racisme et d'esprit obtus. Choose your poison.

Mathieu a dit...

Je trouve pourtant qu'il y a une recrudescence du discours raciste dans le discours public de nos jours au Québec.

Le cas Hérouxville n'en est pas un isolé (V'voyez? c'est ça quand on donne la parole aux régions ;-)

Le discours de chasse aux sorcières et de "voleurs de jobs" devant "retourner dans leur pays" s'ils ne sont pas content semble arriver à mes oreilles politically correct. Des trucs qu'on croirait directement sortis des années 40 comme le très chic classique : "Ça ça doit être une race". En parlant d'un voleur.

J'ai même appris que ma propre mère était raciste et remplie de préjugés cette année. (J'avoue que j'aurais peut-être pu lui adresser la parole dans les 20 dernières années mais bon).

Je suis désolé d'être pessimiste mais je crois que la société québécoise a plafonnée et qu'elle ne peut que régressée maintenant comme nos voisins du sud le font depuis 10 ans.

Mathieu a dit...

note to self...

ne plus jamais publier de commentaires sous l'effet de puissants anti-psychotiques

Unknown a dit...

La société québécoise a plafonné?

Quand ça?

Je trouve qu'un des maux principaux de la société contemporaine est l'absence totale de perspective historique dans le discours ambiant.

Je crois que beaucoup de gens ont une fâcheuse tendance à confondre leur prise de conscience personnelle du monde avec la réalité.

Tu dis qu'il y a une recrudescence du discours raciste. Est-ce vraiment le cas, ou c'est juste que tu ne t'étais pas rendu compte qu'il était déjà répandu?

Ta mère n'est pas devenue raciste cette année, c'est toi qui as découvert qu'elle l'a toujours été.

Sans être naïvement trop optimiste et utopiste, je crois au contraire que le fait que l'on découvre les côtés noirs de nos congénères est révélateur d'une certaine élévation de la conscience sociale. Auparavant, le terme "raciste" ne faisait même pas partie du vocabulaire courant, car avoir peur de l'Autre allait de soi.